Le poète Joseph Rouffanche (Prix Mallarmé 1984) photographié dans son jardin par Laurent Bourdelas
J’apprends par hasard qu’un
colloque à l’Université de Limoges va s’intéresser aux écrivains
« limousins » : il était temps ! En 2008, j’ai publié sous
forme d’abécédaire chez Les Ardents Editeurs la première véritable histoire de
la littérature du Limousin (évoquant depuis l’Antiquité des auteurs – de langue
d’Oc ou française – nés en Limousin, y vivant, s’en étant exilés ou venus s’y
installer), que m’a fait l’honneur de postfacer Pierre Bergounioux : Du pays et de l’exil. Rien n’avait
jamais été véritablement entrepris de manière systématique et globale à ce
sujet – notamment à propos des diaristes, auteurs dramatiques ou des poètes, y
compris les plus contemporains (mais on doit cependant saluer les articles
publiés dans diverses sociétés savantes depuis le 19ème siècle). Il
ressortait de cette enquête, entreprise à la fois comme historien et passionné,
qui m’occupa plusieurs années, que les auteurs de grande qualité avaient été et
demeuraient particulièrement nombreux dans notre région (je ne me suis pas
attardé sur les écrivains dits du terroir).
Une impression confirmée lorsque les Editions Alexandrines publièrent un
ouvrage sur les traces des écrivains en Limousin, sous la direction bienveillante
de Georges Chatain, auquel j’eus également le plaisir de participer, puis
lorsque le Centre Régional du Livre mit en place l’ambitieux projet numérique
Géoculture.
Cela
aura été une longue prise de conscience, que l’on pourrait presque interpréter
comme une survivance de ce complexe d’infériorité imposé pendant des siècles
aux Limousins et parfois auto-développé (comme ce fut le cas en Bretagne).
Ravages du jacobinisme et du parisianisme, parfois reproduit « en
région ». Il en aura fallu, du travail patient, des combats difficiles – y
compris au sein de revues comme Friches,
L’Indicible frontière ou de maisons
d’édition comme Rougerie ou La main courante – pour que les plaidoyers en
faveur des écrivains « limousins » aient quelque audience ! Nul n’est prophète en son pays, dit le
proverbe, mais quand même : c’est fort tardivement que certains furent salués
ici tels qu’ils devaient l’être : ainsi le grand poète Joseph Rouffanche,
Prix Mallarmé de poésie doit-il essentiellement à Gérard Peylet (de l’Université
de Bordeaux 3) sa reconnaissance par les universitaires et il fallut attendre
ses 80 ans pour que la Ville
de Limoges lui rende un hommage « officiel » à la Bfm, grâce notamment à l’aide
de Monique Boulestin, alors 1ère adjointe et active et cultivée
députée. Et nous venons juste, avec la
Bfm et Le Théâtre de La Passerelle, de rendre hommage au grand Bob Giraud,
dont le biographe Olivier Bailly nous a montré combien sa genèse
« limougeaude » avait finalement été fondatrice.
Limoges
est désormais une ville d’art et d’histoire, ce qui est amplement
justifié ; comme le Limousin dans son entier, elle doit, pour être fidèle
à son patrimoine et développer significativement le tourisme culturel,
multiplier les initiatives – pas uniquement numériques, pas seulement à la Bfm, dont le pôle Limousin et
son conservateur sont à saluer – mettant en valeur « ses » écrivains,
poètes… j’étais il y a peu à Londres et me plaisais à lire toutes les plaques
bleues et rondes, sur les façades, où sont mentionnées le nom de personnalités
de la culture ayant habité les lieux ; il y a encore des maisons d’écrivains
et de poètes, un peu partout, qui méritent de vraies visites, voire des
aménagements (sans parler des… tombes !). C’est dire s’il reste des choses
à faire, en attendant le grand hommage à Georges-Emmanuel Clancier, toujours
vivant, mais né en… 1914. Par la même occasion, comme je l’ai fait dans mon
livre, sans doute pourra-t-on saluer aussi les autres auteurs de la famille.
(2012)