Casterman
réédite superbement, dans leur version originale, les trois albums
« culte » de Miroslav Sasek, né à Prague en 1916 et mort en
1980 : Londres, Rome et Paris, qui connurent un immense succès au
début des années 60. Miroslav Sasek a étudié l'architecture. Il fuit la
Tchécoslovaquie en 1948 et s'établit à Munich. Il travaille quelques années
pour Radio Free Europe avant de se consacrer à la peinture et à l'illustration.
Sa série de portraits de villes et de pays pour la jeunesse séduit un grand
nombre de lecteurs et reçoit de nombreux prix. Quatre de ces ouvrages
deviennent des dessins animés.
Se replonger dans ces trois grands
albums cartonnés et coloriés est un véritable plaisir : « Voici Paris, capitale de la France.
Allons sur ses places et ses boulevards, le long des quais de la Seine, nous
mêler à la foule de ses habitants. Il y en a cinq millions, sans compter... les
chats. » Voilà comment commence le Paris
de Sasek, qui dégage une immense bouffée de nostalgie dès les premières
pages. Ce Paris, c’est celui de Jacques Prévert, celui de Bob Giraud et de
Robert Doisneau, celui qui fait rêver. Le charme des dessins de Sasek est celui
des dessins des années 60, avec un trait coloré et précis, très
évocateur : les chats Kiki, Minou ou Mistigri sourient, les concierges,
les gardiens de la paix et les vieilles dames sont pittoresques et même les
oiseaux du marché de l’Ile de la Cité semblent heureux dans leur cage !
Incontestablement, les albums de Sasek respirent la bonne humeur et la joie de
vivre. Ainsi un étal de fleuriste rend-il moins austère la Conciergerie. Ce
Paris-là, c’est celui des anciens autobus et celui d’un métro rutilant avec ses
vieilles voitures rouges et vertes; ce sont les bateaux-mouches que
saluent les gens depuis les quais ou les ponts ; ce sont les bouquinistes
en béret et le zinc des bistrots ; les forts des halles ou les
haltérophiles des grands boulevards. Ce Paris-là n’existe plus que dans nos
souvenirs, c’était celui d’avant, celui où les fameuses Trente Glorieuses
pouvaient faire croire à un bonheur pour tous imminent. Miroslav Sasek
s’attache aux plans larges comme celui où des voitures qui ressemblent à des
Dinky Toys tournent autour de l’obélisque ou de l’arc de triomphe, parcourent
les Champs-Elysées, mais aussi à quelques détails : les boîtes aux lettres
ou les réverbères. Paris est une ville de souvenirs que chacun visite avec ses
propres idées et sa propre mythologie, l’image que l’on en a est donc aussi
mouvante que les flots de la Seine ; mais certains repères sont
intangibles, que Miroslav Sasek dessine à merveille, avec intelligence et
espièglerie : ce sont ses monuments emblématiques : le Sacré-Coeur,
la colonne de Juillet ou la Tour Eiffel à qui il consacre deux pages pour en
exprimer la grandeur.
J’ai vérifié il y a peu que la Tour
Eiffel demeure l’un des monuments les plus célèbres et les plus attractifs du
monde entier : les files d’attente sous ses piliers sont toujours longues
et cosmopolites et nombreux sont les parisiens et les touristes qui, le soir
venu, s’assoient en face d’elle sur les pelouses du Champ de Mars, tournant le
dos à la sévère Ecole militaire ; et lorsqu’elle s’allume, lorsqu’elle se
met à clignoter de tous ses feux, lorsque son phare se met à balayer la nuit
parisienne, des cris de satisfaction résonnent toujours un peu partout.
Et si vous souhaitez aller revisiter
Paris, je vous recommande chaleureusement deux bonnes adresses à deux pas,
justement, de la Tour Eiffel et des Invalides. D’abord, un hôtel
particulièrement hospitalier dont la plupart des vastes chambres personnalisées
ouvrent sur la Tour : l’Hôtel
Duquesne-Eiffel, un trois étoiles récemment rénové avec beaucoup de goût et
d’intelligence, au 23 de l’avenue Duquesne dans un 7ème
arrondissement plein de chic et de charme. Les clients, qu’ils soient français
ou américains, y sont des habitués et traités comme tels. Les chambres sont
personnalisées, avec bar privé au décor Vieux Paris. Silencieuses, elles
portent toutes des noms évocateurs comme celle de la Sorbonne et laissent
entrevoir ce qu’était pour Charles Baudelaire « le calme, le luxe et la volupté ». L’accueil par un
personnel aimable, compétent et discret y est vraiment de qualité dans un cadre
élégant et charmeur et descendre prendre son copieux petit déjeuner dans une
salle de pierre voûtée est un véritable plaisir ! J’ai lu le Paris de Miroslav Sasek à la terrasse de
l’hôtel, dans la douceur de la nuit printanière, après avoir pris un drink au
bar, et je me suis pris à rêver que j’allais demeurer ici le reste de ma vie. A
quelques pas de là, il y a le « 7 à vin », 68 avenue Bosquet : Décor
de bar à vin, cave alléchante et assiettes copieuses dans un décor
parisien : un lieu qui aurait sans doute plu à Antoine Blondin !
10 mai 2009.
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