vendredi 21 décembre 2012

Du Paris de Miroslav Sasek à l’Hôtel Duquesne Eiffel



Casterman réédite superbement, dans leur version originale, les trois albums « culte » de Miroslav Sasek, né à Prague en 1916 et mort en 1980 : Londres, Rome et Paris, qui connurent un immense succès au début des années 60. Miroslav Sasek a étudié l'architecture. Il fuit la Tchécoslovaquie en 1948 et s'établit à Munich. Il travaille quelques années pour Radio Free Europe avant de se consacrer à la peinture et à l'illustration. Sa série de portraits de villes et de pays pour la jeunesse séduit un grand nombre de lecteurs et reçoit de nombreux prix. Quatre de ces ouvrages deviennent des dessins animés.
         Se replonger dans ces trois grands albums cartonnés et coloriés est un véritable plaisir : « Voici Paris, capitale de la France. Allons sur ses places et ses boulevards, le long des quais de la Seine, nous mêler à la foule de ses habitants. Il y en a cinq millions, sans compter... les chats. » Voilà comment commence le Paris de Sasek, qui dégage une immense bouffée de nostalgie dès les premières pages. Ce Paris, c’est celui de Jacques Prévert, celui de Bob Giraud et de Robert Doisneau, celui qui fait rêver. Le charme des dessins de Sasek est celui des dessins des années 60, avec un trait coloré et précis, très évocateur : les chats Kiki, Minou ou Mistigri sourient, les concierges, les gardiens de la paix et les vieilles dames sont pittoresques et même les oiseaux du marché de l’Ile de la Cité semblent heureux dans leur cage ! Incontestablement, les albums de Sasek respirent la bonne humeur et la joie de vivre. Ainsi un étal de fleuriste rend-il moins austère la Conciergerie. Ce Paris-là, c’est celui des anciens autobus et celui d’un métro rutilant avec ses vieilles voitures rouges et vertes; ce sont les bateaux-mouches que saluent les gens depuis les quais ou les ponts ; ce sont les bouquinistes en béret et le zinc des bistrots ; les forts des halles ou les haltérophiles des grands boulevards. Ce Paris-là n’existe plus que dans nos souvenirs, c’était celui d’avant, celui où les fameuses Trente Glorieuses pouvaient faire croire à un bonheur pour tous imminent. Miroslav Sasek s’attache aux plans larges comme celui où des voitures qui ressemblent à des Dinky Toys tournent autour de l’obélisque ou de l’arc de triomphe, parcourent les Champs-Elysées, mais aussi à quelques détails : les boîtes aux lettres ou les réverbères. Paris est une ville de souvenirs que chacun visite avec ses propres idées et sa propre mythologie, l’image que l’on en a est donc aussi mouvante que les flots de la Seine ; mais certains repères sont intangibles, que Miroslav Sasek dessine à merveille, avec intelligence et espièglerie : ce sont ses monuments emblématiques : le Sacré-Coeur, la colonne de Juillet ou la Tour Eiffel à qui il consacre deux pages pour en exprimer la grandeur.

         J’ai vérifié il y a peu que la Tour Eiffel demeure l’un des monuments les plus célèbres et les plus attractifs du monde entier : les files d’attente sous ses piliers sont toujours longues et cosmopolites et nombreux sont les parisiens et les touristes qui, le soir venu, s’assoient en face d’elle sur les pelouses du Champ de Mars, tournant le dos à la sévère Ecole militaire ; et lorsqu’elle s’allume, lorsqu’elle se met à clignoter de tous ses feux, lorsque son phare se met à balayer la nuit parisienne, des cris de satisfaction résonnent toujours un peu partout.
         Et si vous souhaitez aller revisiter Paris, je vous recommande chaleureusement deux bonnes adresses à deux pas, justement, de la Tour Eiffel et des Invalides. D’abord, un hôtel particulièrement hospitalier dont la plupart des vastes chambres personnalisées ouvrent sur la Tour : l’Hôtel Duquesne-Eiffel, un trois étoiles récemment rénové avec beaucoup de goût et d’intelligence, au 23 de l’avenue Duquesne dans un 7ème arrondissement plein de chic et de charme. Les clients, qu’ils soient français ou américains, y sont des habitués et traités comme tels. Les chambres sont personnalisées, avec bar privé au décor Vieux Paris. Silencieuses, elles portent toutes des noms évocateurs comme celle de la Sorbonne et laissent entrevoir ce qu’était pour Charles Baudelaire « le calme, le luxe et la volupté ». L’accueil par un personnel aimable, compétent et discret y est vraiment de qualité dans un cadre élégant et charmeur et descendre prendre son copieux petit déjeuner dans une salle de pierre voûtée est un véritable plaisir ! J’ai lu le Paris de Miroslav Sasek à la terrasse de l’hôtel, dans la douceur de la nuit printanière, après avoir pris un drink au bar, et je me suis pris à rêver que j’allais demeurer ici le reste de ma vie. A quelques pas de là, il y a le « 7 à vin », 68 avenue Bosquet : Décor de bar à vin, cave alléchante et assiettes copieuses dans un décor parisien : un lieu qui aurait sans doute plu à Antoine Blondin !

10 mai 2009.

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