vendredi 21 décembre 2012

Les langues régionales dans l’espace européen



            Que les Etats qui composent l’Union Européenne aient besoin de langues officielles, dont le choix est le fruit de leur histoire, ne fait aujourd’hui aucun doute. Que l’anglais soit devenu la langue internationale de l’Europe non plus. Néanmoins, il ne devrait faire non plus aucun doute que l’Union Européenne, dont l’une des richesses est sa diversité culturelle (qui d’ailleurs favorise le tourisme, notamment vers la France), dispose d’une variété de langues dites régionales, jadis ou encore parlées par les peuples qui la composent. C’est dans ces langues qu’ont d’ailleurs été écrits quelques-uns des chefs-d’œuvre de la littérature européennes. Ainsi de la poésie courtoise médiévale, « inventée » par les troubadours occitans, et singulièrement limousins, comme Bernard de Ventadour ; ainsi des œuvres catalanes de Ramon Llul ou de la Renaixença romantique catalane ; ainsi du Barzaz Breiz breton ; ou encore de la tradition poétique galloise des Cynfeirdd. Il ne s’agit ici que de quelques exemples parmi de multiples autres. Enseigner ces langues, les traduire, encourager la création dans celles-ci est une nécessité pour la préservation de la culture européenne, tout autant que la sauvegarde des langues dites nationales. Sinon, le linguiste Claude Hagège parle de linguicide – celui-ci aboutissant toujours à l’appauvrissement d’une culture, d’une civilisation.
            En 1992, La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires fut adoptée avec la convention européenne (ETS 148), sous les auspices du Conseil de l’Europe, pour protéger et pour favoriser les langues historiques régionales et les langues des minorités en Europe. 24 Etats l’ont ratifiée. 9 ne l’ont pas fait – dont la France, sans doute par vieux réflexe jacobin. Mais qui peut sérieusement penser aujourd’hui que l’enseignement et l’usage de l’occitan, du corse, du breton ou de l’alsacien menacerait la cohésion de ce pays ? L’Allemagne est-elle moins forte parce que, depuis 1998, elle a reconnu le Bas-allemand, le Danois, les langues frisonnes, le Romani et deux langues sorabes ? Au contraire, on constate généralement une plus grande ouverture d’esprit, culturelle – y compris dans l’apprentissage d’autres langues – de la part des élèves recevant un enseignement dans l’une des langues dites régionales. En 2009, 98% des élèves du lycée diwan de Carhaix (Bretagne) ont obtenu leur baccalauréat et en 2010, Le Figaro l’a classé « deuxième lycée de France » parmi 1930 établissements. Il semblerait d’ailleurs nécessaire qu’une réflexion et des mesures soient entreprises pour que cet enseignement puisse se faire au sein des Educations Nationales.
            Par ailleurs, sur le plan du bien-être des peuples, on peut supposer que s’ancrer dans une tradition culturelle tout en ouvrant sur l’universalisme (suivant par exemple en cela le parcours artistique du chanteur et musicien Alan Stivell) est un moyen judicieux et pacifique de mieux vivre la poursuite de la construction européenne et la mondialisation qui parfois abolit les repères.
           


[1] Ecrivain, historien.

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