La frontière -et même
plus largement la zone frontière- que nous pouvons appeler aujourd’hui
franco-allemande a nourri l’imaginaire des Français depuis les Grandes
Invasions qui contribuèrent à l’effondrement de l’Empire romain d’Occident. La
littérature s’en est notamment emparé à partir des guerres révolutionnaires
puis napoléoniennes. Ainsi Robert Margerit y fait-il constamment allusion dans
sa grande fresque « La
Révolution », que les éditions Phébus viennent de
rééditer. L’un de ses héros principaux, Bernard Delmay, militaire, contribue
d’ailleurs à préserver cette frontière.
Une frontière longtemps indécise: « c’est
à la zone des châteaux construits face à la Flandre qu’un acte royal appliqua pour la
première fois, en 1315, le terme « frontière »;le même mot concerna,
peu après, la zone de combat des bastides aquitaines. »[1] Le besoin de notions plus claires se
développa au XIVème siècle et fut facilité là ou un accident géographique net
ou la mer permettait de repousser les limites. Michel Mollat a indiqué que « la
notion de frontières géographiques se précisa encore davantage quand la culture
humaniste réveilla les souvenirs de la
Gaule romaine. »[2]
Louis XI soutint que son royaume s’étendait jusqu’au Rhin. A partir du
XVème siècle, on précise la métaphore du Jardin de France: le roi en
devient l’agriculteur qui « enlève les pierres et épines, et
surveille l’état des clôtures. »[3]
Cette précision de la notion de frontière contribue à la « naissance
de la nation France » racontée par Colette Beaune.
Si l’on s’intéresse plus
particulièrement à la limite franco-allemande, on peut se demander si le Rhin
est une frontière. C’est ce qu’a fait Daniel Nordman, directeur de recherche au
CNRS, en 1996[4]:
il a rappelé que la frontière est toujours une construction politique et
souligné le rôle des manuels d’enseignement rédigés par les jésuites au XVIIème
siècle dans l’appropriation mentale de cette frontière par les Français. Ainsi
a-t-il cité cette phrase du jésuite René de Ceriziers: « Regardons
l’Allemagne, le Rhin nous obéit, notre frontière s’avance toujours de ce
côté-là. »[5]
C’est la paix de Ryswick (1697), qui établit dans les faits la ligne du Rhin
comme frontière. Encore cette frontière n’est-elle pas parfaitement définie,
puisque de très nombreuses îles échappent à la définition. A la fin du XVIIIème
siècle, 3000 arpents appartiennent à des communautés alsaciennes sous
domination étrangère;plus de 12 000 -terres arables, prés et bois- dépendant de
communautés germaniques, ont été rejetés sur la rive française, sous la
souveraineté du roi.[6] Du côté
français, avec les Girondins puis Danton, comme du côté allemand, le Rhin est
envisagé comme un fleuve-symbole à conquérir. C’est dire s’il est investi d’une
forte charge émotive, propre à inspirer. La frontière franco-allemande date des
traités de 1814-1815. Depuis cette date, elle n’a jamais été franchie par une
armée.
Le 19 juillet 1870 s’engage la
guerre franco-allemande qui est née de la volonté prussienne d’achever l’unité
allemande, mais aussi et surtout du désir maladroit de Napoléon III de sauver
son Empire. C’est la France
qui déclare la guerre et c’est une déroute française: François Roth a titré le
premier chapitre de son ouvrage sur « La guerre de 1870 »[7]: «la
frontière ouverte »; l’Alsace est abandonnée en dix jours,
l’armée de Lorraine connaît un désastre, Napoléon III est capturé le 2 septembre,
ce qui entraîne la proclamation de la République le 4. Une quinzaine de jours plus
tard, Paris est assiégé. L’Alsace et la Lorraine sont perdues et, comble de
l’humiliation, l’Empire allemand, le Reich, est proclamé le 18 janvier 1871,
alors que Paris résiste toujours, dans la galerie des glaces du Château de
Versailles. Bismarck a exploité le sentiment francophobe, la France est vraiment devenue
« l’ennemi héréditaire du peuple allemand »[8].
La réciproque est vraie. D’un côté de la frontière comme de l’autre, le
nationalisme s’exacerbe, en politique, en littérature, à l’école. Maurice
Barrès, en 1902, évoque le cimetière de Chambière, près de Metz, et lance: « Malheur
à toi! génération qui n’a pas su garder la gloire ni le territoire! » Et
il poursuit: « …l’Allemagne, plus cruelle que les peuples orientaux (…)
tend à réaliser son rêve de destruction. Elle supprime la pensée française dans
le cerveau des petits enfants;elle ensevelit sous des mots et des idées
d’Allemagne, comme une source vive sous des fascines, une sensibilité qui
depuis des siècles alimentait cette race et que ces enfants avaient reçue de
leurs pères. »[9]
L’Allemand menace le génie français. En face, Otto-Richard Tannenberg,
héritier du mouvement des nationalités au XIXème siècle, écrit en 1911 dans
« Gross-Deutschland »: « Si, au temps des migrations des
peuples, un homme puissant par l’esprit et l’épée se fût levé pour grouper la
masse formidable (…) du peuple germain et lui donner une volonté une, une
pensée une, en politique ou en religion (…) Les frontières de l’Europe seraient
les frontières de l’Allemagne en Europe. La culture serait purement allemande,
et avec elle le monde entier. »[10]
Son livre eut de l’influence: en octobre 1914, « 93 intellectuels
allemands de renom, bientôt suivis de centaines d’autres professeurs, écrivains
et journalistes, signent un manifeste réclamant des annexions. »[11]
Publiés dans Le Soir dès février 1871, parus sous forme de livre en
1873, les Contes du Lundi d’Alphonse Daudet évoquent, dans leur première
partie, intitulée « La fantaisie et l’histoire », la guerre de 1870,
la défaite et ses bouleversements. Engagé dans le 96ème bataillon de la Garde nationale, l’écrivain
avait effectué son service au fort de Montrouge, auquel il a consacré un texte
dans « Aux avants-postes ». Il a quitté Paris le 25 avril 1871, alors
que la Commune
est proclamée. « La dernière classe » est devenue un classique,
étudié sans discontinuer à l’Ecole, de la IIIème à la Vème République.
C’est, selon l’auteur, le récit d’un petit Alsacien, Franz. Le maître, M.Hamel,
a revêtu sa tenue « qu’il ne mettait que les jours d’inspection ou de
distribution de prix »[12],
des gens du village ont pris place au fond de la classe, et il déclare aux
élèves: « Mes enfants, c’est la dernière fois que je vous fais la
classe. L’ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l’allemand dans les
écoles de l’Alsace et la
Lorraine… Le nouveau maître arrive demain. Aujourd’hui, c’est
votre dernière leçon de français… »[13]
C’est une conséquence tangible de la modification de la frontière que nous
montre Daudet: désormais, la langue française est bannie. C’est ce que
dénonçait Barrès dans le texte déjà cité -Barrès que recevait Daudet à la fin
de sa vie chez lui à Champrosay. Le petit Alsacien prend alors conscience de
son attachement à cette langue, et donc à la patrie: « Comme je m’en
voulais maintenant du temps perdu, des classes manquées… ». Le maître
lui fait d’ailleurs la morale: « Ah! ç’a été le grand malheur de notre
Alsace de toujours remettre son instruction à demain. Maintenant, ces gens sont
en droit de nous dire: « Comment! Vous prétendiez être Français, et vous
ne savez ni lire ni écrire votre langue! »[14]
L’instituteur fait l’éloge de la langue française: « la plus belle
langue du monde, la plus claire, la plus solide. » Et de terminer dans
l’émotion par l’écriture au tableau de: « Vive la France! »[15]
Alphonse Daudet souligne l’incurie des officiers français dans la nouvelle
« La partie de billard », et il décrit la frontière dans « la
vision du juge de Colmar »-un magistrat français qui a décidé de continuer
à siéger au nom de l’Empereur Guillaume: « Un grand soleil rouge se
lève de l’autre côté du Rhin, derrière les sapins de la forêt Noire, et, à
mesure que le soleil monte, en bas, dans les vallées de Thann, de Munster, d’un
bout à l’autre de l’Alsace, c’est un roulement confus, un bruit de pas, de
voitures en marche, et cela grossit, et cela s’approche (…) Bientôt, par la
montagne, le juge de Colmar voit venir à lui un cortège lugubre et interminable,
tout le peuple d’Alsace qui s’est donné rendez-vous à cette passe des Vosges
pour émigrer solennellement. » Daudet décrit lyriquement le cortège,
d’abord les meubles, puis les hommes de tous âges et de toutes conditions: « depuis
les grands vieux à tricorne, qui s’appuient en tremblant sur des bâtons,
jusqu’aux petits blondins frisés, vêtus d’une bretelle et d’un pantalon de
futaine… »[16]
« Et le défilé continue, village par village, ceux de la frontière
suisse menant d’immenses troupeaux, ceux de la Saar poussant leurs durs outils de fer dans des
wagons à minerais. Puis les villes arrivent, tout le peuple des filatures, les
tanneurs, les tisserands, les ourdisseurs, les bourgeois, les prêtres, les
rabbins, les magistrats… » Bien sur, tout le monde regarde avec mépris
le juge qui a choisi de rester. La frontière devient zone d’occupation et
d’exode. Dans une astucieuse nouvelle intitulée « Le siège de
Berlin », Alphonse Daudet montre une jeune fille qui cache la défaite à
son grand-père frappé d’hémiplégie et invente sur une carte géographique une
campagne victorieuse à l’armée française: cette fois, celle-ci passe
triomphalement la frontière, Mazaine file sur Berlin, Froissart en Bavière, Mac
Mahon sur la Baltique. Et
lorsque les Prussiens ne sont plus qu’à huit jours de Paris, le vieil homme
imagine les Français entrant dans Berlin. Il imagine des conditions
relativement souples pour les vaincus: l’indemnité de guerre, mais pas de
conquête territoriale: « Est-ce qu’on peut faire de la France avec de l’Allemagne? »[17]
s’interroge-t-il. Mais lorsqu’il s’aperçoit par inadvertance de la duperie,
lorsqu’il voit défiler les troupes prussiennes depuis son balcon sur les
Champs-Élysées, il tombe raide mort. Dans « Le mauvais zouave »,
échappant au manichéisme, l’écrivain évoque le problème de la nationalité pour
les Alsaciens: certains, restant français, sont envoyés sous les drapeaux en
Algérie -participant ainsi à la colonisation, eux qui ne veulent pas
d‘étrangers sur leur propre sol-, d’autres, voulant rester chez eux, font le
choix de la nationalité prussienne. Enfin, dans « Alsace! Alsace! »,
Alphonse Daudet livre un souvenir enchanteur de voyage à pied, sac au dos, en
Alsace, du temps où elle était française -c’est-à-dire avant le déplacement de
la frontière. Il ponctue son court texte d’allusions à l’occupation, parlant
d’Alsace « murée »[18],
de « pays perdu » et se souvient du fleuve désormais
inaccessible: « …ces petits bois grêles qui bordent le Rhin et où sa
belle eau verte vient se perdre dans les coins de marécage tout bourdonnant
d’insectes. De loin en loin à travers le mince réseau des branches, le grand
fleuve nous apparaissait chargé de radeaux, de barques toutes pleines
d’herbages coupés dans les îles éparpillées, emportées par le courant. »[19] L’écrivain entretient la nostalgie de
l’ancienne frontière, magnifie les anciens paysages, mais achève sa nouvelle
par une métaphore: « Je me souviens d’un orage terrible qui nous
surprit (…) à mesure que nous descendions, nous entrions positivement dans le
vent, dans la pluie, dans la grêle. Bientôt nous fûmes pris, enlacés dans un
réseau d’éclairs… »[20]
La fin de l’histoire est pourtant pleine de promesses: devant un « champ
de blé magnifique, saccagé, fauché, raviné par la pluie et la grêle »[21],
un paysan méditait: « Il y avait une vraie douleur sur sa figure, mais
en même temps quelque chose de résigné et de calme, je ne sais quel espoir
vague, comme s’il s’était dit que sous les épis couchés sa terre lui restait
toujours, vivante, fertile, fidèle, et que, tant que la terre est là, il ne
faut pas désespérer. » Chez
Alphonse Daudet, l’annexion de l’Alsace-Lorraine, l’avancée de la frontière
allemande en France, permet donc de développer le thème du bonheur perdu: la
paix, la campagne tranquille, la famille unie, les plaisirs simples, tout cela
peut être déchiré par la brutalité d’un événement. L’idéologie, transmise sur
le ton de la confidence amicale au lecteur, est clairement réactionnaire: la
vraie France a disparu. Cette impression fut reprise en 1886 lorsque les Daudet
accordèrent un prêt à Edouard Drumont pour faire paraître « La France juive », puis à
partir de 1895 lorsque l’écrivain afficha ses convictions anti-dreyfusardes.
L’autre frontière était celle de la « race ». Son fils Léon
poursuivrait le combat au sein de l’Action Française.
Puisque nous venons d’évoquer un
anti-dreyfusard, allons voir du côté des futurs dreyfusards, et choisissons le
plus emblématique: Emile Zola. Il consacre un texte relativement court à la
guerre: « L’attaque du moulin ». Cette nouvelle paraît dans
« Les Soirées de Médan », en 1880, sorte de manifeste appliqué du
naturalisme, composé de textes de plusieurs écrivains. Le moulin est situé au
milieu de Rocreuse, en Lorraine, près d’une rivière: la Morelle. L’écrivain
décrit un endroit idyllique, une sorte de petit paradis sur terre, non loin de
la frontière: « Il n’y a pas, dans toute la Lorraine, un coin de
nature plus adorable… »[22]
Il évoque les « pentes douces », les « futaies
séculaires », la plaine à la « fertilité merveilleuse »,
« la fraîcheur de ce trou de verdure aux journées les plus
chaudes ». Les cours d’eau chantent sous les bois: « on se
croirait dans quelque parc enchanté, avec des cascades tombant de toutes
parts. »[23]
Le moulin est une bâtisse qui semble « vieille comme le monde ».
Nous sommes dans un ordre immuable. Le meunier, le père Merlier, est riche.
C’est le maire du village. Tout le pays courtise sa fille, Françoise, promise à
un Belge, Dominique, qu’elle doit épouser à la Saint-Louis, le 25
août. Le soir où on l’annonce au village, la nuit est « tiède et
superbe »[24],
mais un vieux paysan parle de la guerre que l’empereur avait déclarée à la Prusse. Mais personne
n’envisage que l’ennemi puisse passer la frontière: « cette idée que
les Prussiens pouvaient venir parut une bonne plaisanterie. On allait leur
flanquer une raclée soignée, et ce serait vite fini. »[25]
François Roth, qui s’est demandé si cette guerre était acceptée ou subie[26],
confirme un peu cet état d’esprit en précisant qu’au début de juillet 1870, date
à laquelle se situe la scène du roman, « personne en France ne songe à
une guerre. » Zola écrit: « jamais une paix plus large n’était
descendue sur un coin plus heureux de nature. »[27]
Pourtant, un mois plus tard, c’est l’épouvante: les Prussiens ont franchi la
frontière, l’empereur est battu, et « Depuis une semaine, des gens qui
passaient sur la route annonçaient les Prussiens: « Ils sont à Lormière,
ils sont à Novelles »;et, à entendre dire qu’ils se rapprochaient si vite,
Rocreuse, chaque matin, croyait les voir descendre par les bois de
Gagny. » Un détachement français s’installe au village et le moulin
est transformé en forteresse. Bientôt, les Prussiens franchissent une nouvelle
frontière: la lisière du bois qui borde Rocreuse, et attaquent. Dès lors, comme
les hommes, nombreux à mourir, comme le moulin symbole de vie, c’est la nature
même qui est atteinte: « le grand orme fut comme fauché, une volée de
feuilles tournoya. »[28]
Après divers épisodes, alors que le village est cette fois occupé par les
Prussiens, c’est au tour des soldats français d’apparaître à la lisière.
Dominique est fusillé par un peloton d’exécution ennemi, le père Merlier reçoit
une balle perdue, et la vieille roue du moulin reçoit deux boulets: « elle
eut un gémissement suprême: les palettes furent charriées dans le courant, la
carcasse s’écrasa. C’était l’âme du gai moulin qui venait de s’exhaler. »[29]
Plus qu’un texte revanchard comme ceux d’Alphonse Daudet, Emile Zola livre une
nouvelle qui souligne le rôle destructeur de la guerre, mais aussi son
absurdité. Lorsque le capitaine français entre à Rocreuse en s’écriant: « Victoire!
Victoire! », Françoise est figée entre les cadavres de son mari et de
son père, au milieu des ruines fumantes du moulin.
On peut se demander si
la guerre et le passage de la frontière par les Prussiens n’ont pas contribué à
faire du jeune Rimbaud ce qu’il est devenu… En 1870, il a 16 ans - c’est le
fils d’un capitaine à la retraite, Frédéric Rimbaud. Il est élève en classe de
rhétorique à Charleville où son professeur est Georges Izambard, âgé de 21 ans
et signalé comme « avant-gardiste » par sa hiérarchie[30], qui
l’encourage à écrire et devient son ami. Les premiers élans cocardiers le
dégoûtent, il entend parler des dégats causés à sa région par la guerre. Le 25
août 1870, Rimbaud écrit à Izambard: « Ma ville natale est
supérieurement idiotes entre les petites villes de province (…) parce qu’elle
voit pérégriner dans ses rues deux ou trois cents de pioupious, cette benoîte
population gesticule, prudhommesquement spadassine, bien autrement que les
assiégés de Metz et de Strasbourg! C’est effrayant, les épiciers retraités qui
revêtent l’uniforme! C’est épatant, comme ça a du chien, les notaires, les
vitriers, les percepteurs, les menuisiers et tous les ventres, qui, chassepot
au cœur, font du patrouillotisme aux portes de Mézières;ma patrie se lève!…
Moi, j’aime mieux la voir assise;ne remuez pas les bottes! C’est mon
principe. »[31]
Il se moque également des bourgeois dans son poème « A la musique ».
A la fin du mois d’août, il décide de quitter Charleville et de rejoindre
Paris. Le 31 août 1870, il est arrêté à la gare du Nord faute d’avoir payé son
billet et conduit à la prison de Mazas[32].
Izambard le fait libérer et Rimbaud le rejoint à Douai, mais la mère d’Arthur
exige le retour de son fils. Celui-ci fugue à nouveau en octobre, jusqu’à
Bruxelles. Le 2 novembre, Rimbaud écrit à Izambard, dans un post-scriptum: « Guerre:
Pas de siège de Mézières. Pour quand? On n’en parle pas (…) Par ci, par là, des
francs-tirades. Abominable prurigo d’idiotisme, tel est l’esprit de la
population. On en entend de belles, allez. C’est dissolvant. »[33]
Le 31 décembre, Mézières est bombardée, après avoir été un point d‘attache de
groupes de francs-tireurs et de corps-francs opérant dans les Ardennes,
l‘Argonne, attaquant les convois et les groupes prussiens isolés[34]. La
ville tient 26 heures. Le 1er janvier
1871, Mézières et Charleville sont occupées par les Allemands. Le 28 janvier,
l’armistice est signé, le 25 février, Rimbaud repart pour Paris où les troupes
ennemies défilent le 1er mars: affamé, il arpente
une ville meurtrie. Le 10 mars, il est de retour à Charleville et refuse de
retourner au collège. Le 13 mai 1871, il écrit à Izambard: « Je veux
être poète, et je travaille à me rendre Voyant (…) Il s’agit d’arriver à
l’inconnu par le déréglement de tous les sens (…) Je est un autre. »[35]
Après la Semaine
sanglante, Arthur Rimbaud, dont René Char a dit qu’il était « un poète
révolutionnaire contemporain de la
Commune de Paris »[36]
devint encore plus révolté contre tout ordre établi. Sa poésie évoque la guerre
de 70 à diverses reprises. Dans « Le Mal », « une folie
épouvantable, broie/Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant. » Dans
le célèbre « Dormeur du val », qu’il n’a pas vu, il montre « un
soldat jeune, bouche ouverte, tête nue » mort dans la campagne, un
thème littéraire et poétique déjà traité par d‘autres auteurs. Il écrit
d’ailleurs d’après des gravures, achetées à Charleroi - 35 centimes,
précise-t-il[37];
ainsi en octobre 1870: « L’Eclatante victoire de Sarrebruck remportée
aux cris de Vive l’Empereur! ». Il fait allusion à l’escarmouche du 2 août
1870[38], sans
importance, mais présentée par la presse française comme une grande victoire.
Lorsque Rimbaud écrit, la frontière a été franchie, la France battue, il peut se
moquer de l’Empereur « raide sur son dada/Flamboyant;très heureux, car
il voit tout en rose ».[39]
Dans « Les Douaniers », se souvenant de l’époque où il allait
acheter du tabac en Belgique[40], le
poète note que ces hommes sont « nuls, très nuls, devant les Soldats
des Traités/Qui tailladent l’azur frontière à grands coups d’hache. »[41]
Les traités en question étant sans doute ceux qui associèrent avant la
guerre la Bavière,
le Wurtemberg et Bade à la
Confédération du Nord de Bismarck[42]. Dans
« L’orgie parisienne ou Paris se repeuple », Arthur Rimbaud évoque la
fin des hostilités entre la
France et l’Allemagne et « la joie scandaleuse que
manifestèrent certaines classes de la société. »[43]
Il se souvient en un vers du défilé des troupes allemandes le 1er mars aux Champs-Élysées: « Les
boulevards qu’un soir comblèrent les Barbares »[44];
il se souvient aussi des obus qui tombèrent sur Paris durant le siège: « Les
maisons sur l’azur léger qui s’irradie/Et qu’un soir la rougeur des bombes
étoila! »[45]
La paix revient et avec elle « le troupeau roux des tordeuses de
hanches »[46],
c’est-à-dire les jeunes femmes insouciantes qu’il traite de « Tas de
chiennes en rut »[47].
Suit la description de l’orgie qui transforme Paris en putain[48] et que
le poète se doit de dénoncer, tout comme il dénonce le rétablissement de
l’ordre: « Société, tout est rétabli »[49].
Il revient à cette déception dans le premier vers des « Illuminations »: « Aussitôt
que l’idée du Déluge se fut rassise… »[50]
- le déluge étant soit la guerre, soit la Commune, soit les deux, il
souleva un espoir qui retomba.
La guerre de 1870, le franchissement
de la frontière, furent donc sans doute l’un des « déclencheurs » qui
firent du jeune Arthur Rimbaud un poète, un révolté, et un garçon qui franchit
une autre frontière, celle des convenances sexuelles, en 1871 -année de la
défaite- avec Paul Verlaine. Dans son texte en prose « Vagabonds »,
il écrit: « Pitoyable frère! Que d’atroces veillées je luis dus! (…)
J’avais en effet, en toute sincérité d’esprit, pris l’engagement de le rendre à
son état primitif de fils du Soleil, et nous errions, nourris du vin des
cavernes et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la
formule. »[51]
Il est un autre écrivain célèbre qui
consacre un roman à la frontière franco-allemande: Maurice Leblanc, le père
d’Arsène Lupin, publie un feuilleton en 39 épisodes quotidiens dans
l’Excelsior, du 16 décembre 1910 au 23 janvier 1911. Ce roman a tout simplement
pour titre: « La
Frontière »[52]. En
mai, le livre paraît en librairie, tiré à 10 000 exemplaires.
Leblanc est né à Rouen en 1864,
accouché par le frère de Gustave Flaubert, il a donc 6 ans au moment de la
guerre. Presque toute la famille est dans le négoce[53]. La
guerre est bientôt déclarée - le père de Lupin, dans « La comtesse de
Cagliostro », évoque la menace qui pesait sur Rouen, l’entrée dans la
ville des Prussiens le 5 décembre et la fuite de beaucoup de bourgeois vers Le
Havre, d’où ils espéraient s’embarquer pour l’Angleterre[54].
Racontant sa propre expérience, Maurice Leblanc écrivit: « La guerre de
1870 survient. On m’embarque pour l’Ecosse, et le mal de mer me fait toucher à
6 ans le plafond de l’écœurement. On me ramène à Rouen en pleine occupation
prussienne (…) Tout était exsangue, dévitalisé… Une lassitude qui semblait ne
devoir jamais remonter la pente (…) ce voyage forcé et ces évènements
tragiques, le tapage et le désordre, constituèrent longtemps, dans la famille,
des sujets de conversation. »[55]
Dans l’une de ses fameuses aventures
datée de 1910, « 813 », Arsène Lupin tente de négocier avec
l’empereur Guillaume II la restitution de l’Alsace-Lorraine et obtient la Mauritanie pour la République Française.
L’année suivante, Maurice Leblanc consacre donc un livre entier à « La Frontière ». L’Illustration
remarque: « M.Maurice Leblanc nous montre l’antagonisme émouvant -et
tout moderne- d’un père animé des sentiments du patriotisme le plus
traditionnel et d’un fils imbu des doctrines du pacifisme international. »[56]
Le roman, auquel Leblanc accordait de l’intérêt, connut un certain succès, même
sans Lupin. Il songea même un temps à l’adapter au théâtre. Dans le livre, le
vieux Morestal surveille en permanence la frontière près de laquelle il habite.
Il note que si le poteau allemand tombe régulièrement, « le poteau
français (…) ne bouge pas, lui! »[57]
et il affirme à sa femme: « tout ça finira mal ». A quoi
celle-ci répond: « Voilà trente-cinq ans que (…) tous les huit jours,
tu me dis que ça finira mal. »[58]
Lui se souvient des temps glorieux où « on les franchissait, les
frontières, et au pas de course… » et s’émeut d’entendre le clairon
des chasseurs alpins français: « Quelle gaieté!… Quelle crânerie! Ah! à
deux pas de la frontière, ça prend une allure… » Maurice Leblanc nous
le décrit ainsi: « …un sentiment qui dominait toute sa vie et réglait
tous ses actes, l’amour du pays. Sentiment qui, chez Morestal, signifiait le
regret du passé, la haine du présent, et surtout l’âpre souvenir de la
défaite. »[59]
Sa maison est en vue de la frontière, comme un bastion avancé, entourée d’un
haut mur « garni sur le faîte d’un treillis de fer hérissé de
pointes ». Il est obnubilé par les territoires perdus: « La
plaine allemande… les collines allemandes… tout ce pays d’Alsace où je me
promenais, enfant… le Rhin français, qui était mon fleuve et celui de mes
pères. »[60]
Il est torturé par la vision de la frontière résultant de la guerre de 1870, « ligne
implacable et douloureuse »: « la Frontière (…) La Frontière ici… à
vingt-cinq lieues du Rhin… en pleine France! » Les livres de sa
bibliothèque ont pour titre: « Comment préparer la revanche? » ou
« Le Crime des pacifistes »[61].
On comprend vite qu’il soutient un passeur qui aide les soldats ne souhaitant
plus endosser l’uniforme allemand. Il ne faut cependant pas se laisser abuser
par ce récit. François Roth a expliqué que la frontière est à la fois « ouverte
et défendue »: « Nos compatriotes l’imaginent parfois comme
une barrière militarisée, surveillée, hérissée de barbelés que des héros
intrépides franchiraient au péril de leur vie. La réalité est toute différente.
Certes, le poteau-frontière surmonté de l’aigle impérial est le signe irritant
de la nouvelle souveraineté, mais les frontaliers circulent sans
entrave… »[62]
Néanmoins, « Pour les
Français, c’est une frontière de mutilation et de défaite. » Parmi ses
amis, Morestal compte Jorancé, commissaire spécial à la frontière (ce corps
surveillait notamment le mouvement des voyageurs transfrontaliers et
recueillait des renseignements). Lors d’une conversation avec lui, on comprend
que Morestal attend l’étincelle qui provoquerait la guerre et permettrait de
franchir la frontière pour reconquérir les territoires annexés[63]. Il
explique enfin qu’il a construit sa maison là où elle se trouve pour parer à
toute attaque[64].
Peu de temps après, il est capturé avec Jorancé
par les Allemands suite à un incident sur la frontière mais fini par
s’échapper: « Morestal, pour la seconde fois prisonnier du teuton… et,
pour la seconde fois, libre. » lance-t-il en rentrant chez lui[65]. Mais
pour faire libérer son ami, il faut prouver qu’il y a bien eu violation de la
frontière par l’ennemi. Une enquête commence, où entrent aussi en jeu des
considérations sentimentales que nous n’avons pas le loisir d’exposer ici. Les
choses s’enveniment et la guerre menace. Philippe Morestal peut sauver la paix
en s’opposant à son père, ce qu’il essaie de faire en argumentant: « …Il
est né une autre France, dont le regard s’est ouvert sur d’autres vérités, une
France qui voudrait s’échapper du passé mauvais, répudier tout ce qui nous
reste de la barbarie antique et s’affranchir des lois du sang et de la
guerre… »[66]
Pour lui, « la vraie revanche » serait d’oublier la
frontière. Mais la guerre est cependant déclenchée et des uhlans s’apprêtent à
franchir la frontière, appuyés par deux régiments d’infanterie. Un officier
remarque: « …si les crêtes sont prises, si la frontière est franchie
(…) cela le jour même de la déclaration de guerre, pensez au retentissement que
ce premier échec aura dans toute la France. Si, au contraire une poignée d’hommes se
sacrifie… et réussit, l’effet moral sera incalculable. »[67]
Philippe Morestal envisage de déserter et de rejoindre à Zurich des amis pour
lancer un manifeste pacifiste. Sa femme s’y oppose fermement, lui déclarant que
ce serait la honte pour leurs enfants. Lorsque les Allemands approchent et que
le canon tonne sur la frontière, le vieux Morestal finit par demander à son
fils s’il rejoint les quelques Français dans la résistance, celui-ci accepte et
le roman s’achève par ces lignes: « Là-bas, au bout de son fusil, près
d’un vieux chêne dans les branches duquel il grimpait jadis, Philippe vit un
grand diable de soldat qui battait des mains, qui plia ses jambes l’une après
l’autre, et qui s’étendit à terre, lentement, comme pour y dormir… »[68]
Ainsi, trois ans avant la première guerre mondiale, Maurice Leblanc, qui ne
s’était lui-même guère plu au service militaire, expose-t-il les vues des
revanchards et des pacifistes, mais montre que ces derniers finiront bien par
choisir la défense du pays menacé. Peu de temps avant l’écriture de ce roman,
Jean Jaurès, en 1907 à Stuttgart puis en 1910 à Copenhague, avait tenté
d’obtenir le vote de motions précisant les moyens à employer pour empêcher la
guerre (appel à la grève générale ouvrière) mais dut renoncer devant
l’hostilité des sociaux-démocrates allemands. L’écrivain, en 1914, se montra
patriote et cocardier, admirant « l’ordre parfait de la mobilisation,
l’enthousiasme des soldats, le réveil de l’âme nationale »[69].
Il a 50 ans et ne peut s’engager, mais il est très marqué par certaines
scènes de la guerre, comme ces enfants auxquels les Allemands ont coupé les
mains, que l’on retrouve dans plusieurs des aventures d’Arsène Lupin. A la fin
de « L’Eclat d’obus », il écrit: « Réfléchis un peu que tous
ces bandits qui ont voulu la guerre, princes, empereurs, femmes de prince et
d’empereur, ne connaissent de la guerre que ses grandeurs et ses beautés
tragiques, et jamais rien des angoisses qui torturent les pauvres gens (…) Les
autres meurent. Eux, ils continuent à vivre. »[70]
Son roman, écrit en
1914, parut en feuilleton en septembre-novembre 1915. Jaurès avait été
assassiné le 31 juillet 1914.
Pour terminer, je voudrais parler
brièvement d’un roman des frontières qui ne se présente pas forcément comme
tel: il s’agit de « La
Guerre des boutons », publié en 1912 par Louis Pergaud,
prix Goncourt 1910 pour « De Goupil à Margot ». Le roman est sou
titré par son auteur « Roman de ma douzième année », il est donc
situé en Franche-Comté, région de son enfance, et vieille province frontière
s’il en est, dont, au Moyen Age, la limite occidentale séparait la France de l’Empire. L’une
des frontières du roman est celle qui sépare le territoire des Velrans et celui
des Longevernes, pour lesquels l’auteur prend manifestement parti. Pergaud
écrit à deux ans de la guerre; il est l’un de ces instituteurs ruraux de la IIIème République,
qui contribua largement à l’esprit revanchard: « à travers ce réseau
scolaire sont enseignés un patriotisme et un nationalisme officiels, élevés à
la hauteur d’une véritable idéologie dominante (…) La France, dans [la]
littérature scolaire, est présentée comme une personne, incarnant une sorte de
maternité collective. Elle est une mère à laquelle est due une piété filiale
(…) Le Lavisse (…) manuel d’histoire (…) s’adresse en ces termes aux élèves du
cours moyen: (…) En défendant la
France, nous nous conduisons comme de bons fils. Nous
remplissons un devoir envers nos pères, qui se sont donnés tant de peine depuis
des siècles pour créer notre patrie. »[71] Comme il se doit, les jeunes héros de Pergaud
vont à l’école de la
République, dont l’instituteur est le père Simon, qui les
envisage comme « de jeunes Français républicains »[72].
L’écrivain précise toutefois dans sa préface qu’il a voulu restituer sa vie
d’enfant « libérée des hypocrisies de la famille et de l’école »[73]
- ce qui relativise d’autant son enseignement. Le Livre premier de ce roman
rabelaisien s’intitule: « La
Guerre », les huit chapitres portant des titres évoquant
celle-ci. De nombreuses opérations ou escarmouches ont lieu sur la frontière
virtuelle qui sépare les deux villages: lorsque les Gibus se rapprochent trop
du territoire des Velrans, ceux-ci n’hésitent pas à les traiter de « cons,
d’andouilles, de voleurs, de cochons, de pourris, de crevés, de merdeux, de
couilles molles »[74]
- une expression que les agressés ont du mal à comprendre: « Des
couilles, on sait bien ce que sait, pardine, puisque tout le monde en a (…) et
qu’elles ressemblent à des marrons sans bogue, mais couille molle!…couille
molle! » Pergaud donne des
précisions très géographiques à propos des territoires respectifs, utilisant
les mots lisière, borne, pour marquer ce qui les sépare, et situe
le champ de bataille « à égale distance des deux villages »[75],
donc en zone frontière, où « depuis des années et des
années, les générations de Longeverne et de Velrans s’étaient copieusement
rossées, fustigées et lapidées… » Chacun se souvient qu’il y a dans
« la Guerre
des boutons » des franchissements de frontières dans les deux sens, des
embuscades, des batailles épiques et des prisonniers ramenés dans chaque camp
adverse. Ainsi le velran Migue la
Lune, à qui ses ravisseurs menacent de couper les oreilles,
le nez, le zizi et les couilles, pour finalement privilégier les boutons[76]. La
frontière à conquérir demeure l’enjeu, comme le prouve la stratégie de l’Aztec
des Gués: « …charger en masse, tomber en trombe sur le camp ennemi,
cogner ceux qui résisteraient, faire prisonniers tous ceux qu’on attraperait et
les ramener à la lisière, où ils subiraient le sort des vaincus. »[77]
Lorsque l’un ou l’autre camp atteint sa lisière, celle-ci est mentionnée comme « protectrice »[78].
C’est là que se regroupent les combattants avant de partir à l’assaut. Le
Livre II s’intitule « De l’argent » et cite en exergue la fameuse
phrase de Bismarck: « l’argent est le nerf de la guerre »[79]
- qui replace l’histoire dans un contexte historique: la guerre
franco-allemande de 70. Et lorsque les deux camps s’insultent, ils se traitent
de « salauds! triples cochons! andouilles de merde… » mais le
premier nom qui leur vient à l’esprit est: « Prussiens »[80].
D’ailleurs, les chants entonnés sont parfois de vrais chants militaires: « Rien
n’est si beau/Qu’un artilleur sur un chameau » ou: « Petit
tambour s’en revenant de guerre »[81].
Pergaud évoque aussi les « mâles accents » de « La
victoire en chantant. »[82] Cette génération est celle de Louis Pergaud,
qui fut appelé sous les drapeaux comme sous-lieutenant pour la Première guerre mondiale.
Dans la nuit du 7 au 8 avril 1915, l’écrivain disparut aux combats de
Marchéville[83].
La génération de « la
Guerre des boutons » est donc une génération élevée dans
le souvenir d’une guerre et sacrifiée lors d‘une autre, une génération dont on
voit la litanie des noms gravés sur la pierre des monuments aux morts.
Bien sur, il est une autre frontière
apparente dans « La Guerre
des boutons », c’est celle entre l’enfance, l’adolescence, et l’âge
adulte. C’est un thème que je ne peux malheureusement développer ici, mais je
cite toutefois cette phrase de La
Crique, l’un des héros, « très ému, plein de
mélancolie de la neige prochaine et peut-être aussi du pressentiment des
illusions perdues »: « Dire que, quand nous seront grands, nous
serons peut-être aussi bêtes qu’eux! »[84]
Cette trop rapide communication,
avec quelques exemples, nous a permis de mettre en perspective le
franchissement de la frontière franco-allemande en 1870, la guerre, la
modification de cette frontière avec l’annexion de l’Alsace-Lorraine, et les
œuvres de quelques écrivains et poètes du XIXème et du début du XXème siècle, tous marqués dans leur vie, d’une
manière ou d’une autre, par ces évènements, et voulant y faire allusion dans
leurs oeuvres ou même leur consacrer entièrement certains de leurs textes et
romans. Il est frappant de constater, lorsque l’on parcourt les œuvres des
écrivains français de cette époque, combien la frontière tient un rôle
déterminant et le même travail mériterait d’être fait aussi à propos des
écrivains allemands. Comme l’a si justement écrit Jean-Jacques Becker, « la
guerre de 1870 est une guerre oubliée de notre histoire, ou tout au moins de
notre historiographie(…) depuis la Première Guerre mondiale, on n’en a plus guère
parlé. L’intérêt s’est porté tout naturellement sur la Grande Guerre, qui
elle, au moins, s’était achevée sur la victoire de la France. En outre, la
supériorité de la
République sur l’Empire s’étant ainsi affirmée, on pouvait
laisser les « hontes » de 1870 au régime « honteux »
qu’avait été le Second Empire (…) Seule, de cette désastreuse époque, la Commune avait été sauvée,
ne serait-ce que pour mieux accabler le Second Empire, dont les morts de la Commune apparaissaient
comme la sinistre conclusion. »[85]
Depuis une quinzaine d’années, des historiens comme Stéphane Audoin-Rouzeau,
par ailleurs spécialiste de 14-18, ou François Roth, universitaire à Nancy,
étudient cette guerre. Travailler sur la manière dont les écrivains l’ont
ressentie et s’en sont inspirés contribue à réfléchir à propos de la
transmission du souvenir de cette guerre.
[1]
M.Mollat, Genèse médiévale de la
France moderne, XIVe-XVe siècle Points Seuil Histoire, Paris,
1977, p.114.
[2]
Idem, p.115.
[3]
C.Beaune, Naissance de la nation France, Gallimard, Paris, 1985, p.320.
[4]
« Le Rhin est-il une frontière? », L’Histoire n°201, été 2004, p.30.
[5]
Idem, p.30.
[6]
Idem, p.31.
[7]
Pluriel histoire, Paris, 2004.
[8]
J.C.Caron et M.Vernus, L’Europe au XIXème siècle, Des nations aux
nationalismes, 1815, 1914, Armand Collin, Paris, 1996, p.182.
[9]
Scènes et doctrines du nationalisme, Paris, 1902, édition définitive, Plon,
Paris, 1925, vol.1, p.90-94.
[10]
traduction française: Le Rêve allemand. La plus grande Allemagne. L’œuvre du
20ème siècle, Payot, Paris, 1916, p.5-16.
[11]
P.Cabanel, Nation, nationalités et nationalismes en Europe, 1850-1920, Ophrys,
Paris, 1995, p.200.
[12]
Le Livre de Poche, Paris, 1974, p.10.
[13]
Idem, p.11.
[14]
Idem, p.12.
[15]
Idem, p.14.
[16]
Idem, p.22.
[17]
Idem, p.43.
[18]
Idem, p.106.
[19]
Idem, p.108.
[20]
Idem, p.109.
[21]
Idem, p.110.
[22]
Librio, Paris, 1997, p.5.
[23]
Idem, p.6.
[24]
Idem, p.13.
[25]
Idem, p.12.
[26]
Déjà cité, p.36 et suivantes.
[27]
Déjà cité, p.13.
[28]
Idem, p.18.
[29]
Idem, p.45.
[30]
P.Besson, « Vert, le blé en herbe », dans: Il y a 150 ans, naissait
Arthur Rimbaud trafiquant d’âmes, Télérama hors-série, 2004, p.11.
[31]
« Œuvres complètes », La
Pléiade, Gallimard, Paris, 1972, p.238.
[32]
A.Adam, « Chronologie », dans Rimbaud, « Œuvres
complètes », déjà cité, p.XL.
[33]
« Œuvres complètes », déjà cité, p.246.
[34]
F.Roth, déjà cité, p.403.
[35]
Œuvres, déjà cité, p.249.
[36]
cité par G.Heuré, « Rouge, le ciel de Paris », « Il y a 150 ans… », déjà cité,
p.22.
[37]
Œuvres, déjà cité, p.34.
[38]
Idem, p.872.
[39]
Idem, p.34.
[40]
Idem, p.878.
[41]
Idem, p.38.
[42]
Idem, p.879.
[43]
Idem, A.Adam, p.892.
[44]
Œuvres, p.47.
[45]
Idem.
[46]
Idem.
[47]
Idem.
[48]
Idem, p.48.
[49]
Idem, p.49.
[50]
Idem, p.121.
[51]
Idem, p.136-137.
[52]
Arsène Lupin, vol.IV, « Les rivaux d’Arsène Lupin », La Frontière, Robert
Laffont, Paris, 1988, p.537.
[53]
J.Derouard, « Maurice Leblanc, Arsène Lupin malgré lui », Séguier,
Paris, 1989, p.9.
[54]
Idem, p.12.
[55]
Idem, p.12-13 (sans indication de source).
[56]
cité par J.Derouard, déjà cité, p.183.
[57]
La Frontière,
déjà cité, p.537.
[58]
Idem, p.538.
[59]
Idem, p.541.
[60]
Idem, p.542.
[61]
Idem, p.547.
[62]
Déjà cité, p.660.
[63]
La Frontière,
p.551.
[64]
Idem, p.553.
[65]
Idem, p.596.
[66]
La Frontière,
p.629.
[67]
Idem, p.657.
[68]
Idem, p.674.
[69]
cité par J.Derouard, déjà cité, p.200.
[70]
Arsène Lupin, vol.II, Robert Laffont, Paris, 1986, p.667.
[71]
J.C.Caron, M.Vernus, « L’Europe au XIXème siècle Des nations aux
nationalismes, 1815-1914 », Armand Colin, Paris, 1996, p.327-328.
[72]
L.Pergaud, « La Guerre
des boutons », Folio, Paris, 2001, p.15.
[73]
Idem, p.9.
[74]
Idem, p.14.
[75]
Idem, p.25.
[76]
Idem, p.38-39.
[77]
Idem, p.43.
[78]
Idem, p.79.
[79]
Idem, p.99.
[80]
Idem, p.131.
[81]
Idem, p.208.
[82]
Idem, p.239.
[83]
« En hommage à l’écrivain combattant », Bulletin des Amis de Louis
Pergaud, n°37, 2001, p.27.
[84]
La Guerre,
p.276.
[85]
in Préface à S.Audoin-Rouzeau, « 1870, La France dans la
guerre » Armand Colin, Paris, 1989, p.7.
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