Retour à Nexon, où des chapiteaux
se dressent dans la douce campagne limousine estivale pour accueillir le
festival La Route du Cirque concocté avec talent, curiosité et intelligence
depuis plusieurs années par Marc Délhiat et Guiloui Karl. Il fait bon, ce
vendredi 17 août 2007 à 21 heures : des gens se retrouvent, des enfants
s’amusent sur l’herbe, on entend les sonorités de plusieurs langues, on croise
des bobos de Limoges et d’ailleurs, des touristes et des visiteurs du coin. Un
fils de cinq ans me tient la main et je retrouve avec lui toute la magie des
perceptions de l’enfance. Dès que nous sommes installés sur les gradins, les
uns contre les autres, nous savons n’aspirer qu’à une chose :
l’émerveillement, la grande distraction première du monde si triste et décevant
qui nous entoure parfois. Nous sommes aptes au plaisir simple que l’on saura
nous donner – d’autant plus que le spectacle inaugural est proposé par la Compagnie
Armance Brown et Bruno Krief, qui nous avait précédemment séduits avec Bambous de souffle ici même, quelques
années auparavant.
Il
serait vain de faire ici une sorte de résumé des nombreux tableaux proposés
dans « Vertige de l’ombre », tant ils sont riches et beaux, propres à
nourrir notre imaginaire disponible. Il faut bien dire cependant que le
spectacle vaut aussi par l’invention purement circassienne : de nouveaux
agrès, par exemple, ont été conçus, pour enrichir les possibilités offertes aux
artistes de créer des figures, des mouvements qui nous surprennent peut-être un
peu plus, tout en utilisant au mieux la structure légère en acier tubulaire autour
et sur laquelle ils se déplacent avec une extravagante facilité apparente.
« Vertige de l’ombre » fut pour nous une longue rêverie cosmopolite,
littéraire et musicale. Car cette compagnie aime mêler subtilement le cirque,
les mots, entendus ou plutôt perçus et montrés – ici des extraits de la
correspondance de Virginia Woolf – et la création musicale (créée et
interprétée superbement par François Ousmane Glowinski et Fred Soul, oscillant
entre jazz, classique et bossa et bien d’autres choses encore. « Vertige
de l’ombre », bien sûr, éprouvé par le spectateur et peut-être même les
artistes : trapèze et cerceau, corde, étranges structures… comme autant
d’objets en apparence encombrants devenant pour des femmes aux allures de fées
et des hommes musclés sortis des traditions médiévales ou extrême-orientale
(des arts martiaux) de véritables supports pour diverses et précises prouesses.
« Vertige de l’ombre », comme le vertige
de l’amour chanté par Bashung, comme « plonger au fond du gouffre pour y trouver du nouveau », la
phrase manifeste de Baudelaire. Car c’est bien ce que fait la Compagnie Armance
Brown et Bruno Krief avec ce spectacle. Tradition séculaire et innovation,
tableaux magiques comme issus de vieilles gravures sud-américaines ou
espagnoles, feu de la passion qui brûle jusqu’aux éventails, projections qui
nous rappellent la beauté étrange du cinéma muet, pointes de danseuses
enchanteresses : « Vertige de l’ombre » est comme l’ouverture
(suggérée sur scène) d’une malle au trésor rêvée depuis l’enfance, mais
peut-être aussi d’une boîte de Pandore (celle de l’amour et de l’imaginaire
conjointement ?).
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